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Être collégien à Saumur au 17ème siècle
PASSEPORT RECHERCHE 2018-2019

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1.  "Débauches" et jeux des élèves du Collège
01-Jeux et débauches des élèves du Collège - Version audio - L. DAVEAU / P. EFFRAY / L.-A. GASCHET
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​Le Registre de l’Académie conservé aux Archives municipales de Saumur recense les principaux problèmes de discipline concernant la conduite des collégiens les plus âgés qui achevaient leur cursus par deux années de philosophie avant d’être successivement reçus comme bacheliers puis maîtres ès arts. Ces jeunes hommes par leurs  écarts de conduite qualifiés de « débauches » et « grande licence » contrevenaient souvent aux « Loix et Reiglements de l’Académie et Collège de Saumur »[1] mais plus encore risquaient de mettre en péril la communauté protestante dans une ville en majorité catholique.

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Par « débauches » il faut naturellement entendre participer à des « momeries, mascarades » ou charivari lors de moments festifs comme le carnaval ou à l’occasion de mariages, mais aussi la fréquentation des cabarets, jouer aux cartes, courir les rues la nuit, donner des aubades, avoir la « hantise de compagnie des filles et des femmes », ou encore participer à des repas de promotion qualifiés de « festins excessifs ». Se rendre à un bal, aller au théâtre ou jouer la comédie chez des particuliers était également répréhensible[2].  Mais c’est la prise de conscience d’une violence omniprésente qui frappe le plus à la lecture des écarts de conduite des collégiens qu’ils en soient les auteurs ou les victimes. Sur 152 élèves identifiés dans le registre tenu par les professeurs 32 le sont pour bastonnade, port d’armes y compris à feu, participation à un duel ou à une « batterie » c'est-à-dire un affrontement collectif entre deux groupes preuve qu’il existait alors des tensions entre les différentes catégories qui composaient la population saumuroise voire au sein même de l’Académie avec les étudiants en théologie plus âgés[3]. Si ces altercations pouvaient éclater n’importe où, deux lieux sont nommément cités par le registre : le Chardonnet, qui correspond comme aujourd’hui à la vaste esplanade située en face de l’Ecole de Cavalerie, et la proximité du jeu de Paume certaines rixes y trouvant leur origine pour des questions d’honneur et parce que ces parties faisaient l’objet de paris.

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En 1644  dans son journal de voyage Elie Brackenhoffer trouve remarquable que « les plus petites gens du commun s’adonnent au jeu de paume » et note qu’il était alors habituel à Saumur de voir ensuite les adversaires « se chauffer ».  Au XVIIème siècle Saumur comptait au moins 5 terrains que les collégiens protestants pouvaient fréquenter dont la salle du grand jeu de Paume qui était située entre la place de la Bilange où vous vous trouvez et le rempart de la ville[4].  De vastes dimensions la salle pouvait être louée comme ce fut notamment le cas entre 1590 et 1592 la communauté protestante l’utilisant alors comme lieu de culte moyennant un écu et demi par prêche[5].

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Parmi les autres jeux couramment pratiqués à Saumur auxquels les collégiens devaient s’adonner on trouve la longue boule dont le jeu est avéré sur le Chardonnet et la courte boule. Selon une logique identique à ce qui s’appliquait alors pour le jeu de Paume nous pouvons déduire que la courte boule se jouait plutôt en salle ce qui en ferait l’équivalent de l’actuelle boule de fort toujours pratiquée dans le Saumurois[6]

 

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[1] Règlement de 1612-1613, transcription de J.-P. Pittion, Histoire de l’Académie (http://archives.ville-saumur.fr/_depot_amsaumur/_depot_arko/articles/803/statuts-et-reglement-de-l-academie-1612-1613-_doc.pdf).

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[2] Par « hantise de compagnie des femmes » il faut entendre la fréquentation et l’obsession... Pour une recension des débauches entre 1614 et 1668 : Registre de l’Académie, AMS, IA1 f° 8v, f° 46, f° 46v, f° 87v, f° 106v,  f° 130, f° 142, f° 187, f° 216v (accessibles en ligne p.  9, 74, 75, 157, 196, 247, 271, 363-364, 422) notamment un bal donné par un élève de seconde (f° 162, en ligne p. 311). En juin 1646 des philosophes ont joué la comédie au logis du Sénéchal de la ville et en 1657 un philosophe a même perdu la vie après avoir voulu « entrer en force dans la Comédie (...) sans rien payer » (Registre de l’Académie, AMS, IA1 f° 141 et f° 167v  (accessible en ligne p.  269 et 322). L’interdiction concernant le théâtre est également  à mettre en relation avec le fait que le théâtre était utilisé comme outil pédagogique et donc encouragé dans les collèges des Jésuites. 

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[3] Voir infra le tableau des élèves du Collège identifiés entre 1608 et 1685, les n° 11, 17, 20, 24, 30, 36, 39, 43, 53, 56, 57, 77, 82, 91, 100, 113, 117, 131, 134, 137, 140, 141, 142, 144, 153, 160, 164, 207, 216, 221, 227, 228. Sur la violence des collégiens aux pages consacrées à ce sujet par D. Boisson, « Le collège et l’Académie de Saumur, un même établissement ? », dans Y. Krumenacker et B. Noguès (dir), Protestantisme et éducation dans la France moderne, 2014, p.118-121 ; par J.-H. Denécheau sur son site (http://saumur-jadis.pagesperso-orange.fr/recit/ch12/r12d3vio.htm), et par J.-P. Pittion, Histoire de l’Académie (http://archives.ville-saumur.fr/_depot_amsaumur/_depot_arko/articles/814/surveiller-edifier-punir-la-discipline-au-college-et-a-l-academie-de-saumur_doc.pdf).

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[4] Elie Brackenhoffer, Voyage en France, 1643-1644,  traduction d’Henry Lehr, Paris-Nancy, 1925, p. 211. Sur le jeu de Paume objet de jeux d’argent voir notamment le témoignage de Joan Huydecoper et son analyse par W. Frijhoff, « L’Académie protestante de Saumur et les Néerlandais », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 123-124, 2016, p. 79. Le plan de L’entrée du Pont de Saumur du costé de la Ville, 1764, AMS 1Fi_041, permet de visualiser le grand jeu de paume qui existait déjà en 1589 puisque Duplessis-Mornay y logea une partie de ses troupes le jour de sa prise de fonction (David de Licques, Histoire de la vie de messire Philippes de Mornay, 1647, p.132). Outre les trois salles de courte paume et les deux terrains en extérieur de longue paume qui furent sans doute fréquentés par les collégiens protestants, notamment celui à proximité de la porte du Bourg visible en 1646 sur le dessin de Lambert Doomer, J.-H. Denécheau recense un jeu à la Croix Verte, un derrière le couvent de la Fidélité à proximité d’un collège catholique, et un au sein même du collège des Oratoriens (http://saumur-jadis.pagesperso-orange.fr/recit/ch12/r12d4aca.htm).

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[5] Charlotte Duplessis-Mornay, Les Mémoires de madame de Mornay,  édition critique par Nadine Kuperty-Tsur.- Paris, 2010, p. 242. Les dimensions du terrain rapportées en mètres à partir du plan de 1764 sont : 35,25 X 8,35 dont une galerie de 2,79 mètres.

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[6] La pratique de la longue boule ou « bille » sur le Chardonnet est rapportée par le sieur de Croydebert, L’adieu facétieux du Sieur de Croydebert sur son départ du lieu et ville de Saumur,  1611 (dans J.-H. Denécheau, Archives des Saumurois, 1998, p. 108). La courte boule évoquée par Brackenhoffer, op.cit., p. 211, pouvait se jouer en salle notamment à l’arrière ou dans un jeu de Paume. Sur ces jeux E. Belmas, Jouer autrefois, essai sur le jeu dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle), 2006, p.111.

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