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Être collégien à Saumur au 17ème siècle

PASSEPORT RECHERCHE 2018-2019

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2.  Des prés de l'île Offar aux risques encourus par les collégiens:
noyades, inondations et épidémies

Si vous vous avancez au niveau du parapet situé à côté de l’actuel emplacement du monument aux morts place de la République, vous pouvez voir l’île située « entre les ponts » et, selon la saison, les bases des piles d’un ancien pont. Au XVIIème siècle le paysage était sensiblement différent puisqu’à cet endroit la Loire était « couverte d’îles (...) plus que nulle part ailleurs ». Visible sur les vues dessinées par le néerlandais Lambert Doomer en 1646 et  observée deux ans auparavant par le  voyageur strasbourgeois Elie Brackenhoffer, cette particularité du paysage facilitait le franchissement du fleuve et conférait à Saumur un caractère stratégique justifiant les travaux de fortifications réalisés par Philippe Duplessis-Mornay gouverneur de la ville de 1589 jusqu’à sa destitution par Louis XIII en 1621. Le plan géométral et la vue des ponts de Nicolas Poictevin au début des années 1680  permettent de mieux visualiser l’aspect de ces différentes îles et plus particulièrement celle d’Offard « île plaisante et riante (...) toute plantée d’arbres »  qui constituait  « la promenade la plus ordinaire à Saumur » selon Brackenhoffer[1].

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Comme leurs aînés les collégiens allaient donc se promener sur les îles après les cours et lors des demi-journées de repos. En mai 1684, Elie Bouhéreau écrit à ses parents qu’avec un de ses camarades de classe il va « lire dans quelque prairie, le Mercredy et le Samedy » [2].

 

Dans une autre lettre du mois de juillet il dit aller se baigner dans un endroit à l’ombre sous la surveillance d’Abraham Meure qui est à la fois son professeur et la personne chez qui il est hébergé. La présence d’un adulte lors de la baignade est d’autant plus nécessaire que les noyades sont alors fréquentes au point qu’un règlement de l’Académie la rende obligatoire pour les collégiens à partir de 1615. Cette décision du conseil de l’Académie est consécutive à la mort accidentelle de trois des « meilleurs écoliers » qui sont inhumés au cimetière de la Billange le 3 juin. Entre 1611 et 1670 les registres du Temple de Saumur font mention d’au moins 6 collégiens morts par noyade[3].

 

​Il ne semble pas en revanche que des collégiens aient été victimes de noyade lors des inondations qui ont touché Saumur au XVIIème siècle. Si la crue exceptionnelle du 15 mars 1615, qualifiée de « déluge de Saumur » dans un ouvrage publié par un contemporain, a bien occasionné d’importantes frayeurs mais aussi des dégâts conséquents puisque la quasi-totalité de la ville avait été recouverte par les eaux, les registres du collège ne font état que de dégradations matérielles et laissent entendre qu’après une semaine les cours reprennent dans les salles situées à l’étage en attendant la décrue et la remise en état des salles du rez-de-chaussée[4].

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Autre risque auquel les collégiens sont confrontés les épidémies de peste qui frappent Saumur à plusieurs reprises. Les registres de l’Académie les mentionnent pour les années 1625, 1631, 1633 et 1637 ainsi que les mesures mises en œuvre pour éviter la contagion : interdiction de fréquenter les quartiers et faubourgs contaminés, désinfection des locaux à la chaux ou fermeture du collège. Il est toutefois difficile d’appréhender combien d’élèves ont pu être victimes de ces épidémies dans les registres d’inhumation du Temple[5]

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[1] Elie Brackenhoffer, Voyage en France, 1643-1644,  traduction d’Henry Lehr, Paris-Nancy, 1925, p. 210-211. Nicolas Poictevin, Desseins des plans et élévations des ponts situez sur la rivière de Loire et autres adjacentes, pl. 34, médiathèque de Saumur Agglomération, Ms 21. Pour une plus approche plus aboutie des ponts et des paysages des îles de Saumur, nous renvoyons aux travaux de J.-H. Denécheau cités en bibliographie et à son remarquable site sur l’histoire de la ville, en particulier pour les anciens ponts http://saumur-jadis.pagesperso-orange.fr/recit/ch15/r15d7bra.htm.

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[2] Correspondance d’Elie Bouhéreau, Bibliothèque de la S.H.P.F. Ms 713(7), publiée et transcrite par E. Itti, « Lettres d’Elie Bouhéreau, élève de première à l’Académie de Saumur, à ses parents (mai 1684-août 1684) », dans Bulletin de la S.H.P.F., oct-nov-déc. 2008, p. 609-631.

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[3], http://archives.ville-saumur.fr/f/acaprotestante/mosaique/?&debut=20). Registres paroissiaux ADML, accessibles en ligne https://www.archinoe.fr/v2/ad49/visualiseur/registre.html?id=490039279 p.171. Il est possible qu’il y ait eu plus de collégiens victimes de noyade car si l’on excepte l’allusion du 4 juin 1615 les registres de l’Académie ne les relèvent pas et pour qu’il en soit fait mention dans les registres du Temple il était nécessaire d’avoir retrouvé le corps du noyé ce qui n’était pas toujours le cas puisqu’Elie Bouhéreau parle d’un petit garçon noyé la veille dont le corps n’avait pas été retrouvé.

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[4] Notons que la mémoire de la crue de 1615 était accessible aux professeurs et élèves qui fréquentaient la bibliothèque de l’Académie à travers l’ouvrage de François Bourneau, Le déluge de Saumur, Saumur,  1618, qui apparaît dans l’inventaire réalisé en janvier 1685.  Cette crue de 1615 est également mentionnée par David de Licques, Histoire de la vie de messire Philippes de Mornay, 164, p. 408-409.

Registres de l’Académie, AMS, IA1 (accessibles en ligne p. 19). Quant à la crue de décembre 1660 si elle semble avoir également causé d’importants dégâts et « ruiné quantité d’habitants » selon un procès verbal de la part des autorités municipales (AMS,  DD18, f2), il n’en est pas fait mention dans les registres de l’Académie.

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[5] Registres de l’Académie, AMS, IA1 (accessibles en ligne p. 121, 183, 203, 230-231). La présence de plusieurs médecins siégeant au conseil de l’Académie, dont le principal Marc Duncan, laisse penser que ces épidémies sont  notées avec une certaine exhaustivité. Il faudrait cependant ajouter les épidémies de 1602 et 1604 antérieures à la tenue des registres et mentionnées par David de Licques, 1647, p. 294 et 300.

02-Risques encourus par les collégiens - Version audio - L. DAVEAU / P. EFFRAY / L.-A. GASCHET
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La crue exceptionnelle du 15 mars 1615,
carte : H. Legardinier et J. Marchand
d'après l’ouvrage de François Bourneau, Le déluge de Saumur, Saumur,  1618
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