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Être collégien à Saumur au 17ème siècle

PASSEPORT RECHERCHE 2018-2019

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7.  Louis Cappel,
l'excellence au service de l'Académie
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Quelques exemples d’œuvres au programme en 1683-1684 à partir du Registre académique (réalisation, L. Rivet)
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Louis Cappel, l'excellence au service de l'Académie - Version audio - L. DAVEAU / P. EFFRAY / L.-A. GASCHET
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Au milieu du  XVIIème siècle, Elie Brackenhoffer rapporte dans son journal de voyage qu’ « une rue dans le voisinage du temple (est) toute bâtie de maisons neuves ». Cette description correspond à l’actuelle rue du Temple où, au n°11, se trouve l’hôtel de Sourdé[1] qui passe pour avoir été la demeure de Louis Cappel du Tilloy professeur d’Hébreu et de théologie à Saumur de 1613 à 1658. Ce bel hôtel se compose de plusieurs bâtiments d’époques différentes. A gauche, légèrement en retrait par rapport à la rue, un premier corps de logis rectangulaire datant de la seconde moitié du XVIème siècle pourvu d’une tour d’escalier à quatre volées au centre de la façade.

Au XVIIème siècle, le logis a été complété par une petite aile de communs dans le prolongement de la tour d’escalier, et, sur la rue, par un mur de clôture à balustres percé d’un portail d’ordre dorique ouvrant sur une cour d’honneur. Quant à la tour en saillie dans le prolongement de cette clôture qui renferme des cabinets à chaque étage, elle date du début du XVIIIème siècle et n’existait donc pas au temps du collège protestant.

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 Visible au XIXème siècle sur la frise d’entablement du portail supprimée depuis, l’inscription Libertas rappelant la devise de Louis Cappel a conduit à attribuer ce logis au professeur de langue hébraïque. Cependant les  quelques indications dont nous disposons sur ses biens dans le Saumurois rendent la résidence de Cappel dans cet hôtel particulier assez incertaine[2].

 

En 1619, alors qu’il est domicilié paroisse Saint-Pierre, Cappel achète un logis dans lequel il souhaite s’établir situé « rue de la maison commune »[3].

 

La proximité immédiate du collège, des imprimeurs et de plusieurs de ces collègues rendent assez peu probable le choix ultérieur d’un autre logis[4].

 

Issu d’une famille d’intellectuels, Louis Cappel s’installa à Saumur dès la fin de ses études attiré par l’émulation intellectuelle que l’on y trouvait alors autour de la figure tutélaire de Duplessis-Mornay[5].

 

Titulaire de la chaire d’Hébreu, ensuite occupée par son dernier fils,  Cappel marqua durablement de son empreinte la connaissance des textes sacrés en démontrant que la Bible hébraïque pouvait comporter des erreurs de transmission qu’il corrigea à l’aide de traductions anciennes et par sa connaissances des langues sémitiques[6].

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Même si l’enseignement de l’Hébreu s’inscrivait dans le projet du collège de 1593, ce sont surtout les étudiants du cycle supérieur d’études théologiques de l’Académie qui suivirent l’enseignement des deux Cappel alors que le cursus des collégiens classiques correspondait à un premier cycle d’humanités précédant les deux années de philosophie. Ce cursus correspond à peu près à celui qui mène actuellement de la classe de 6° à la classe de première et s’organisait selon des programmes n’ayant guère changé au cours des quatre-vingts ans d’existence du collège. Jusqu’en troisième les années sont consacrées à l’apprentissage des grammaires latine et grecque. En seconde, la classe d’humanité proprement dite, on approfondissait la connaissance des grands classiques de l’Antiquité tels, en 1684, l’Enéide de Virgile ou les Catilinaires de Cicéron[7].

 

Enfin, en première, une année de rhétorique où les élèves se familiarisaient avec l’art oratoire et l’éloquence. Sur l’ensemble du cursus, les élèves apprenaient l’Histoire de l’Antiquité au travers des textes étudiés et assimilaient quelques rudiments en sciences à raison d’une après-midi par semaine consacrée à l’arithmétique, la géométrie ou l’astronomie[8].

 

Tous les cours se faisaient en latin, ce qui pouvait favoriser le recrutement de professeurs étrangers mais supposait aussi que les élèves maîtrisent cette langue dès leur plus jeune âge.  Comme ce n’était visiblement pas toujours le cas, dès 1621 le collège de Saumur se distingue des autres établissements protestants du royaume puisqu’il y est envisagé un enseignement en sixième finalement confié au régent de cinquième à partir de 1626[9].

 

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[1] Du nom de la famille Chesnon de Sourdé occupant cet hôtel particulier en 1744. Elie Brackenhoffer, Voyage en France, 1643-1644,  traduction d’Henry Lehr, Paris-Nancy, 1925, p. 210.

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[2] J.-F. Bodin, Recherches historiques sur la ville de Saumur, 1845, p. 385-386 ne précise pas sur quoi il s’appuie pour domicilier Cappel au 11 rue du Temple. Si Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine et Loire, 1878, n’évoque rien à propos du domicile de Louis Cappel, dans leur édition revue et augmentée de 1978, J. Levron et P. d’Herbécourt (p. 587) rapportent que l’écusson, la devise libertas et une date étaient visible sur la porte des Cappel au XIXème,  mais ils donnent une adresse rue des Forges ( ?). Quant à l’inventaire général, révisé en 2002 par E. Cron, il  ne mentionne que l’inscription libertas et « une date illisible ».

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[3] Pour 1800 livres tournois, la vente du 16 mai 1619 (ADML, E 189) permet à Louis Cappel, dit écuyer, d’acquérir une maison, sans doute située dans l’actuelle rue Bonnemère, comportant trois chambres dont une peinte, une garde-robe, une écurie et des latrines. Avant cette date Cappel ne pouvait loger au 11 rue du Temple car il aurait alors été domicilié paroisse de Nantilly dans l’acte notarié. Voir J.-H. Denécheau (https://saumur-jadis.pagesperso-orange.fr/rues_t-z/templeru.htm) et E. Cron, dans E. Cron et A. Bureau, Saumur : urbanisme, architecture et société, 2010, p. 137 et note 53 p. 414. Le seul autre achat que nous avons trouvé impliquant Louis Cappel, sieur de Lavardin, est daté du 28 juin 1651 (AMS, 2HD36 pièces 37, 39 et 40) et se rapporte à la seigneurie de la Hunaudière à Saint-Cyr-en-bourg.

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[4] Notons toutefois que les rédacteurs de la notice concernant Louis Cappel sur l’encyclopédie collaborative Wikipedia rapportent, sans que la source puisse être identifiée, que Cappel a séjourné à Sedan entre 1621 et 1624 avant de revenir s’installer définitivement à Saumur. Une vente et un rachat de domicile aurait donc pu avoir lieu à cette occasion. Cependant une allusion à l’état de santé déclinant de Cappel en juin 1658 amenant la réunion du conseil de l’Académie à se tenir à son domicile plaide à nouveau pour une adresse proche des locaux du collège (AMS, f° 169, p. 325). Nous pourrions aussi envisager que l’hôtel rue du Temple ait pu être le domicile d’un des fils de Louis Cappel pour lequel la présence de la devise et des armes serait tout aussi plausible, d’autant que l’achat pour 14450 livres de la seigneurie à Saint-Cyr-en-bourg en 1651 témoigne de l’aisance financière de la famille. Quoiqu’il en soit en 1659 l’hôtel appartenait à l’avocat et échevin saumurois René Jacob, selon un acte concernant l’hôtel voisin, et fin 1690 le gouverneur M. de Comminges désire y emménager ((AMS, BB1, f° 228). 

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[5] Sa pérégrination académique lui avait permis de se former à Sedan, puis à Oxford et à Leyde. 

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[6] Dans son ouvrage principal, la Critica Sacra publiée en 1650, Cappel se livre à une critique textuelle de la Bible. Son troisième fils Jacques Cappel de Montjambert, surnommé « l’Erasme protestant » lui succède en 1658 à l’âge de 19 ans après avoir déjà effectué plusieurs remplacements (AMS, IA1, f°169-169v, p. 325-326). Il enseigna l’Hébreu jusqu’à la fermeture de l’Académie dont il fut recteur. E. Itti (« Lettres d’Elie Bouhéreau, élève de première à l’Académie de Saumur, à ses parents (mai 1684-août 1684) », dans Bulletin de la S.H.P.F., oct-nov-déc. 2008, note 16 p. 616) mentionne une lettre de Jacques Cappel au docteur Bouhéreau - le père d’Elie- qui le 11 mai 1684 lui propose une chaire de Philosophie au nom du Conseil de l’Académie (S.H.P.F., Ms 713).  Jacques Cappel était marié à Marie Niotte, fille de Philippe Niotte membre du conseil extraordinaire de l’Académie.

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[7] Pour les œuvres au programme des classes du collège, outre l’étude menée par C. Gascard,(« L’enseignement du latin et du grec au collège de l’Oratoire et à l’Académie Protestante », dans Fr. Lebrun (dir), Saumur, capitale européenne du protestantisme au XVIIème siècle, 1991, p.97-111) à partir de l’inventaire des livres de la bibliothèque de l’Académie et d’une affiche imprimée donnant le programme de l’Académie en 1680 (AN TT 266, dossier 6, 534), nous disposons pour les années 1683 et 1684 des programmes dans le registre académique (AMS, IA1, livret 2, f°8, p. 455 et f°17, p. 464) et d’informations dans les courriers d’Elie Bouhéreau (E. Itti, op.cit).  Ainsi en Première la Rhetorica contracta du pédagogue hollandais Vossius est systématiquement utilisée en 1680, 1683 et 1684 (plusieurs livres de Vossius sont répertoriés en 1685 dans l’inventaire de la bibliothèque de l’Académie).  Sur l’enseignement dispensé à Saumur J.-.P. Pittion, http://archives.ville-saumur.fr/_depot_amsaumur/_depot_arko/articles/800/l-enseignement-les-travaux-et-les-jours_doc.pdf. Même si plus que l’âge c’est le niveau d’un élève qui lui permettait d’être rattaché à une classe (François de Jaucourt entre en cinquième à un âge où ses parents estiment qu’il doit être accompagné par une nourrice plutôt qu’un précepteur chez son hôte,  Elie Bouhéreau a 14 ans en première et Philippe Le Noir en a 16), dans l’ensemble il semble bien que la majorité avait des âges à peu près similaires à ceux des collégiens et lycéens de notre cursus actuel.

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[8] J.-H. Denécheau, http://archives.ville-saumur.fr/_depot_amsaumur/_depot_arko/articles/921/academie-saumurxviie-chapii_doc.pdf

 

[9] La nécessité d’envisager une classe de sixième (AMS, IA1, f°58, p. 98) puis d’en proposer une dont l’existence est à la fois avérée par les programmes de 1683-1684 et par les gages du régent de cinquième (cf supra : le tableau des gages du personnel de l’Académie), s’explique sans doute par la concurrence de l’Oratoire qui proposait des cours dès la sixième. En outre, nous n’avons pas de trace d’une petite école protestante rattachée au temple, et, en 1680, Michel Texier maître d’école dont la maison jouxtait le temple « vers le soleil levant » (AMS, 2HD36 f° 78) semble être un catholique puisque son nom n’est pas recensé dans les registres protestants étudiés par J.-L. Tulot.

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