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Être collégien à Saumur au 17ème siècle

PASSEPORT RECHERCHE 2018-2019

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9.  La Bibliothèque du collège
et de l’Académie
09 - La Bibliothèque - Version audio - L. DAVEAU / P. EFFRAY / L.-A. GASCHET
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Par arrêt du Conseil du Roi, l’Académie et le collège protestant de Saumur sont fermés le 8 janvier 1685 avec interdiction pour les professeurs de continuer à enseigner, y compris à leur domicile, sous peine d’une amende de 3000 livres[1].

 

Sur ordre du lieutenant du roi, Jacob de l’Estang de Ry, un inventaire des fonds de la bibliothèque est alors dressé afin d’en déterminer la valeur marchande avant qu’elle ne soit, comme tous les autres biens de l’Académie, transférée à l’Hôtel-Dieu de la ville. La réalisation de cet inventaire est confiée au notaire François Dovalle et à l’imprimeur-libraire catholique François De Gouy alors installé à proximité de l’hôpital[2].

 

En huit jours, et une quarantaine de pages aujourd’hui conservées aux archives nationales, les deux hommes répertorient 1441 titres pour une valeur probablement sous-estimée d’environ 1300 livres tournois[3].

 

Le catalogue des titres, la mention des éditions, voire du format ou de la reliure des ouvrages, permettent une connaissance assez précise de la bibliothèque à laquelle professeurs et étudiants pouvaient recourir, qu’il s’agisse de son contenu ou de sa provenance, au point de pouvoir identifier avec certitude certains volumes dans les réserves actuelles de la médiathèque de Saumur[4].

 

La plupart de ces ouvrages pouvaient apparaître comme déjà anciens aux yeux du libraire catholique car seuls 44 livres ont été publiés après 1620 ce qui confirme que l’essentiel du fond correspondait au don à l’Académie de sa bibliothèque par Duplessis-Mornay[5].

 

Les titres composant cette bibliothèque nous renseignent donc à la fois sur la personnalité et les centres d’intérêt du gouverneur de Saumur tout en témoignant de l’empreinte spirituelle que le « pape des huguenots » entendait léguer à l’institution qu’il considérait certainement comme sa principale contribution à la cause protestante[6].

 

Dans l’inventaire de 1685, les quelques ouvrages imprimés après que Mornay ait quitté Saumur en 1621, correspondent aux impressions des thèses soutenues par les étudiants en théologie, à quelques dons de particuliers ou à des livres mis à disposition par des enseignants[7].

 

Sans surprise, compte tenu de son principal contributeur et du fait que l’Académie servait à former les futurs pasteurs du royaume, plus de la moitié des volumes de la bibliothèque se rapporte à la Religion. Les autres thèmes ou catégories auxquels nous pouvons rattacher ces ouvrages sont par ordre d’importance : les Humanités, l’Histoire, les ouvrages relatifs à la France - qu’il s’agisse de l’exercice de l’autorité royale ou des affaires religieuses -  puis ceux consacrés aux Sciences et la Géographie[8].

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Jusqu’en 1623, le collège et l’Académie ne disposaient donc pas d’une bibliothèque mais les professeurs et les étudiants en théologie ou en philosophie avaient accès à celle que Duplessis-Mornay s’était constitué au château. Aux dires du gouverneur, sa bibliothèque se composait alors de deux parties : une bibliothèque de lecture pour travailler, et sa « petite bibliothèque », qui rassemblait ses propres écrits, reliés avec soin en maroquin rouge, et portant en ex-libris ses armoiries, sa devise ainsi que son chiffre[9].

 

Il parait probable que, comme dans l’esprit de Duplessis-Mornay, les deux parties de sa bibliothèque constituaient deux ensembles géographiquement distincts dans l’aménagement du château. La bibliothèque de travail, parfois appelée « librairie », correspond à celle que Mornay lègue à l’Académie et se trouvait peut-être dans l’entresol du pavillon de l’aile sud-est[10].

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Si, après 1623, il est toujours peu probable qu’hormis les philosophes les collégiens aient eu accès à la bibliothèque de l’Académie pour pouvoir y consulter des livres, il est en revanche sûr qu’ils avaient connaissance du lieu. C’était en effet dans la bibliothèque, au premier étage du logement du principal,  que se tenaient les réunions du conseil de l’Académie. De fait, cette salle servait donc à auditionner les collégiens convoqués pour des problèmes de discipline ce qui nécessita même d’en doubler la porte afin d’éviter que l’on puisse entendre les propos qui y étaient tenus de l’extérieur[11].

 

La solennité qui entourait cette salle de lecture renforçait encore davantage le caractère exceptionnel de cette bibliothèque et la référence qu’elle constituait pour tous les élèves passés par le collège ou l’Académie.

 

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[1] AMS IA2 f°5

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[2] L’inventaire débuta le 20 janvier 1685 (AN TT 266, dossier 2, p. 16-18. https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR.action;jsessionid=A837CF11F0D7931A8BA66C549ADC0FF5?irId=FRAN_IR_051151&udId=c1f40qu7nv0s--1wk4284awxxmy&details=true&gotoArchivesNums=false&auSeinIR=true). Depuis 1665 et les différentes polémiques liées à l’exercice de la Religion réformée à Saumur, le parti catholique militait pour que la bibliothèque de l’Académie soit donnée aux Oratoriens installés aux Ardilliers. Le choix porté sur De Gouy pour réaliser l’inventaire, plutôt que sur François Ernou libraire-imprimeur proche des pères de l’Oratoire, prouve que les administrateurs de l’hôpital étaient déjà associés à cette mesure même si le don effectif de la bibliothèque à l’hôtel-Dieu par le roi est daté du 6 février (AMS, IA2 f°8). En effet, comme le signale Elie Brackenhoffer (Voyage en France, 1643-1644,  traduction d’Henry Lehr, Paris-Nancy, 1925,  p. 209), l’hôtel-Dieu était situé dans le faubourg de Nantilly ce qui allait décider du destin de la famille De Gouy. Le 3 mars 1685 en effet De Gouy loue l’ancien logement du principal et obtient l’autorisation d’ouvrir un « arceau » sur rue Saint Jean afin d’y ouvrir sa boutique où il reste au moins jusqu’en 1701 (AMS, 2HD36, f°40) et en juin il rachette la totalité du fond pour 1550 livres tournois en ayant pour ce faire hypothéqué ses biens (cf. T. Guillemin, exposition Ex Bibliotheca).

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[3] Il y a 1424 lignes ou entrées dans l’inventaire cependant 10 lignes sont des répétitions et certaines reliures comprennent en réalité plusieurs livres soit un ajout de 27 titres d’où les 1441 titres retenus par C. Perigault, La bibliothèque de l’Académie protestante de Saumur en 1685, mémoire de Maîtrise, Tours, 2004, p. 13. Ces répétitions sont sans doute à considérer comme des erreurs liées à une interruption de l’inventaire puis une reprise un autre jour sans avoir bien mémorisé le rayonnage d’interruption. Cela indiquerait donc que ces volumes n’étaient pas rangés dans des « cases » situées au plus haut ou au plus bas d’une des armoires. Il serait intéressant de pouvoir comparer les séries thématiques avec le « Catalogue des livres de Monsieur du Plessis, selon qu’ils sont disposés » réalisé en 1605 dont il est précisé que « le premier rang  commence par celui d’en bas et les séparations se nomment cases » (conservé à la bibliothèque de la SHPF actuellement fermée et cité par R. Kuin, « Private library as public danger : the case of Duplessis-Mornay », dans A. Pettegree, P. Nelles et P. Conner, The Sixteenth Century French Religious Book, 2001, p. 329, que nous n’avons pu consulter que partiellement). Il nous apparaît en effet probable que ces séries thématiques devaient être identiques ou proches car, lors de son installation au cœur du collège, la bibliothèque avait du conserver la même classification et donc la même « géographie » de rangement, voire les mêmes meubles, que lorsqu’elle se trouvait au château. L’estimation « au plus » proposée par De Gouy est sans doute inférieure à la valeur réelle de la collection puisque les professeurs souhaitaient bénéficier de la vente pour pouvoir récupérer les gages leur étant dus à la fermeture de l’Académie (6070 livres 17 sols et 1 denier selon le livre de compte auxquels s’ajoutent les sommes dues aux libraires et imprimeurs soit un total de 6263 livres, 18 sols et un denier : AMS IA1 f° 112, p.575).  Aussi le principal M. de Prez proposa que la bibliothèque, tout en précisant que sa valeur était cependant inférieure aux gages dus, soit « le payement sur lesdits livres ou la valleur d’iceux » (AN TT 266, dossier 2, p.17-18) ce qui laisse penser que les enseignants se seraient également satisfaits d’être rémunérés en récupérant les livres sous la forme d’une vente fictive.

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[4] Les livres  de la bibliothèque de l’Académie encore présents à Saumur ont transité par les bibliothèques de l’Abbaye de Saint Florent et dans une moindre mesure de la congrégation de l’Oratoire. Les recherches de T. Guillemin dans le cadre de son travail sur l’exposition Ex Bibliotheca montrent que l’abbaye de Saint Vincent au Mans possède de nombreux ouvrages provenant de la bibliothèque protestante. Saint Vincent au Mans en 1636, comme Saint Florent à Saumur en 1637, sont deux abbayes ayant intégrées la Congrégation de Saint-Maur il est donc probable que les rachats aient été concertés entre les deux abbayes. Le bibliothécaire de Saint Florent a acquis des ouvrages comme l’Atlas de Mercator de 1623 puis, faute de moyens suffisants ou n’étant pas intéressé par les autres, a contacté son homologue manceau qui s’est approvisionné chez De Gouy entre 1693 et 1718. Il semble cependant que De Gouy avait achevé l’essentiel de sa vente en 1701 puisqu’à cette date il se serait « retiré en Flandres d’où il est originaire ( ?)» et faute d’avoir réglé le prix de ses loyers, les administrateurs de l’hôtel-Dieu font intervenir un huissier qui saisi des presses d’imprimerie, des feuilles d’imprimerie prêtes à relier et des meubles si encombrants (= les « armoires » ayant contenu la bibliothèque de Duplessis ?) que le coût de transport pour y être vendus à la place des Billanges est estimé plus élevé que le prix à en tirer (AMS, 2HD36, f°53). Ce document pose néanmoins question puisque si De Gouy a pu se rendre en Flandres en 1701, il ne s’agissait pas d’un départ définitif comme le sous-entend le document mais d’un simple voyage puisque les De Gouy au XVIIIème siècle sont les principaux imprimeurs de Saumur (cf. suppra : Les relations des imprimeurs et des libraires saumurois avec le collège). Pour en revenir à la bibliothèque de Saint Florent l’inventaire de 1790 recense 6814 volumes dont 45% portaient sur la religion et 26,5 % sur l’histoire (cf. J.-H. Denécheau, https://saumur-jadis.pagesperso-orange.fr/recit/ch11/r11f.htm), ces deux thèmes représentant respectivement 55,93% et 11,45% des ouvrages de la bibliothèque de l’Académie en 1685.

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[5] En 1606, après la mort de son fils, Duplessis lègue sa « librairie » à l’Eglise réformée de Saumur afin qu’elle ne soit pas « dissipée » ou « partagée » et pour que l’Académie puisse y avoir accès. Dans le codicille de 1623 il renouvelle son legs, sauf si l’Eglise protestante de Saumur venait à disparaître, et décide en attendant sa mort de faire venir à La Forêt-sur-Sèvres sa bibliothèque alors toujours au château de Saumur, ses héritiers étant alors chargés de s’assurer plus tard de la faire livrer « là où elle pourra être conservée dans son entier » (David de Licques, Histoire de la vie de messire Philippes de Mornay, 1647, p. 730-731) On pourrait objecter à la volonté récurrente que sa bibliothèque dans son entier lui survive, que dans ce même codicille Duplessis fait don de sa grande « Bible avec l’Apparat » (critique) à Samuel Bouchereau pasteur de Saumur et surtout à Paul Bernard, sieur de Bouilly, de toutes ses « œuvres reliées en maroquin de Levant, tous d’une sorte, de quelque matière qu’ils traitent ». Ces dons à ses amis saumurois ne peuvent s’entendre que si sa fameuse « petite bibliothèque » n’était pas une composante de ce qu’il nomme ailleurs sa « librairie ». Celle-ci  devait en outre certainement contenir un double de l’ensemble de ses propres écrits ne serait ce que comme instrument de travail notamment pour pouvoir répondre à ses nombreux contradicteurs et adversaires. Le codicille ayant été rédigé 8 jours avant le décès de Mornay sa bibliothèque n’a pas quitté Saumur, d’autant que le 16 octobre 1623 le conseil de l’Académie a écrit à Duplessis, tant pour lui témoigner de son soutien que pour « le prier de luy continuer son affection » ce qui pouvait être une façon de rappeler que l’on comptait toujours sur le don de la bibliothèque (AMS, IA1, f° 66, p. 112).  Lors de la remise des clefs de la bibliothèque pour inventaire en 1685, le principal de Prez rappelle effectivement que la plupart des livres ont appartenu à  Duplessis-Mornay (AN TT266, dossier 2, p. 17).

Sur les 44 livres imprimés après 1620 on en trouve un en 1621, qui pourrait toutefois avoir été acquis par Mornay avant sa disgrâce (C. Perigault, op.cit., p. 30).

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[6] Ses héritiers ont toujours soutenu l’Académie après sa mort en 1623 et ses petits enfants tels François de Jaucourt y furent scolarisés. Plusieurs allusions dans les registres académiques au soutien financier et à l’intérêt porté par monsieur de  Villarnoul au collège et à l’Académie (en 1653 : AMS, IA1, f° 153v, p. 294 ; en 1670 ce lien est encore entretenu par sa veuve  AMS, IA1, f° 221v, p. 432). Avant 1685 plusieurs inventaires de la bibliothèque furent réalisés : en 1605 un premier catalogue fut établi répertoriant 1209 titres (D. Poton, Duplessis-Mornay, le « pape des huguenots », 2006, p. 113), en avril 1681 de Prez dit en avoir fait un dont nous ne disposons plus (AN TT 266, dossier 2, p. 16-17) à ce qui semble être son entrée en fonction comme principal. Dès lors il serait logique que les autres inventaires réalisés lors de la prise de possession du logement de fonction du principal (AMS,  IA1, f° 128v, p 244, en septembre 1640 pour Amyrault) aient également comporté un catalogue de la bibliothèque mais nous n’en disposons pas davantage. 

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[7] Ce mode d’accroissement du fond de la bibliothèque après 1621 correspond à ce qui ce pratiquait dans les autres académies depuis qu’en 1603 le synode de Gap avait encouragé la création de bibliothèques pour les communautés notamment à l’usage des étudiants, des professeurs et des pasteurs (C. Perigault, op.cit., p. 10). Parmi ces ouvrages postérieurs à 1621 (on en trouve un en 1621 qui pourrait toutefois avoir été acquis par Mornay avant sa disgrâce, C. Perigault, op.cit., p. 30), se trouvent notamment 3 volumes publiés à Saumur de thèses soutenues sous la direction de Louis Cappel, Moïse Amyrault et Josué de La Place ; l’Atlas de Mercator offert par Philippe Niotte ; et un volume de l’ouvrage zoologique de Conrad Gesner dont on peut affirmer qu’il correspond à un livre « oublié » par Doull dans les rayons de la bibliothèque. En effet les 3 autres volumes de cette collection offerte à Doull, d’après les ex libris et ex dono, sont ensuite passés par l’abbaye de St Florent pour aboutir dans les réserves de la médiathèque à qui il manque donc le seul volume répertorié dans l’inventaire de 1685...

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[8] Les catégories retenues pour établir ce classement ont été définies en fonction des conseils donnés par le théologien anglais réformé Richard Baxter (1615-1691) aux étudiants se constituant à l’époque leur propre bibliothèque (M. Kadane, « Les bibliothèques de deux théologiens réformés du XVIIème siècle », dans Bulletin S.H.P.F., janv.-mars 2001, p. 72). Sur les 1424 entrées de l’inventaire, la dernière correspond à un manuscrit et 44 ouvrages n’ont pu être affectés à l’une des catégories retenues.

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[9] Il est à noter que ce chiffre, en réalité deux P accolés (Philippe du Plessis) est également utilisé dans l’entre-nerfs des reliures des livres de sa bibliothèque de lecture dont il n’était pas l’auteur. Comme ses armes et celles de son épouse, la devise de Mornay - « Par le talent et par le combat » -  était peinte par Rodolphe Anspach dans chacun des livres de la « petite bibliothèque » dont quatre volumes reliés en cuir de chèvre sont actuellement conservés dans le musée du château de Saumur (Roger Kuin, « Bonjour Philippe ! Une histoire d’amitié », dans Albineana, Cahiers d'Aubigné, Duplessis-Mornay, 18, 2006,  p. 559). Cette « petite bibliothèque » est située « au bout de la Galerie » par David de Licques (op.cit. p. 614.) L’attention particulière, voire ostentatoire, portée aux reliures implique sans doute qu’elles étaient présentées au regard des visiteurs dans leur « grande armoire » construite sur mesure affirmant ainsi l’autorité intellectuelle et morale du gouverneur ce qui paraît en cohérence avec le message politique exposé dans la grande galerie selon la disposition des portraits décrite par l’inventaire de 1619. Cette bibliothèque de prestige se trouverait ainsi à proximité des portraits des grandes figures du protestantisme.

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[10] E. Cron (et A. Bureau), Saumur : urbanisme, architecture et société, 2010, p. 129 et 130 et  E. Cron « Les appartements de Philippe Duplessis-Mornay au château de Saumur : la quête d’un nouveau Louvre »,  p. 143 considère que la bibliothèque était à l’entresol qui offre des volumes suffisants et une luminosité adaptée alors que le cabinet (aujourd’hui subdivisé) de Duplessis devait se trouver dessous au même niveau que la salle privée. Parmi les éléments qui plaident également en faveur de l’hypothèse d’E. Cron, on peut évoquer l’inventaire réalisé en 1615 et un mémoire de fournitures de tapisseries de 1617  qui évoquent deux fenêtres et une cheminée dans la librairie (B. Fillon, «  La galerie de portraits réunie au château de Saumur par Du Plessis-Mornay », dans Gazette des beaux-arts, Paris, août-septembre 1879 p. 224-226. L’inventaire de 1615, réalisé en présence de Mme de Villarnoul, fille aînée de Duplessis, est conservé à la bibliothèque de la Société d’histoire du protestantisme français.). Reste qu’une telle hypothèse repose aussi sur la localisation du « cabinet de Monsieur », selon l’expression en usage en 1619. La proposition d’E. Cron est confortée par la contigüité (comme aujourd’hui il était bien nécessaire de passer par le cabinet pour accéder à la bibliothèque) et par le soin apporté à la décoration de cette pièce. Le 18 avril 1609, Jacques Gillais est payé pour avoir exécuté des peintures à grotesques au-dessus des « tapisseries de Beauvais jaunes et bleues » du cabinet (facture des travaux, BM Nantes, coll. Dugast-Matifeux, dossier 80 ; Fillon, 1879, p. 167 et 225). Aujourd’hui, divisé et transformé en réserves, ce cabinet possède bien une décoration peinte encore visible au-dessus des ouvertures dans sa partie Nord mais les motifs n’incitent pas de prime abord à les dater du début du XVIIème siècle. Ce qui en revanche ne plaide pas en faveur de cette localisation c’est le peu de luminosité de ce cabinet en raison de la faible dimension des ouvertures. Il est cependant possible que ce cabinet n’ait pas été un espace de travail mais uniquement l’endroit où était conservée la correspondance de Duplessis, ses secrétaires et lui-même préférant travailler dans la « librairie ». Dans ce cas la frise peinte à la grotesque n’aurait de sens que si cette librairie était également accessible à certains invités venant profiter des ressources de la bibliothèque de Duplessis-Mornay (les professeurs de l’Académie voire certains étudiants de Théologie ?) ou alors cela signifierait que le cabinet est à envisager à un autre endroit. Quoiqu’il en soit, après la disgrâce de 1621, la bibliothèque comme la plupart des affaires de Duplessis-Mornay restèrent au château de Saumur jusqu’à son décès. Donc les éventuels utilisateurs de la bibliothèque ne purent y avoir accès qu’avec l’accord du nouveau gouverneur et ce dans un contexte peu favorable à l’Académie fragilisée par la chute de Mornay.  

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[11] AMS, IA1, f° 88v, 162v, 179, p. 159, 312 et 345. Nous savons également qu’autour de 1664 la bibliothèque a pu servir de cadre aux cours des physiciens. En revanche à aucun moment, bien qu’il s’étende sur la façon dont il se procure les livres dont il a besoin, l’élève de première Elie Bouhéreau ne fait allusion dans ses courriers à la bibliothèque de l’Académie alors que son père semblait en son temps y avoir contracté une passion pour les livres lorsqu’il étudiait la philosophie (J.-P. Pittion, « Un médecin protestant du XVIIème siècle et ses livres : anatomie de la collection Elie Bouhéreau à la Bibliothèque March de Dublin », dans Irish Journal of French Studies, 16, 2016, p.38 et 40).

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